Les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) posent un défi majeur en matière de pollution de l’eau en raison de leur persistance et de leur résistance aux méthodes de traitement conventionnelles. Pour répondre à ce problème, les chercheurs du monde entier se tournent vers des technologies innovantes, en ayant recours notamment aux bactéries ou aux nanomatériaux, pour éliminer efficacement les PFAS de l’eau.
Les nanomatériaux, c’est quoi exactement?
Les nanomatériaux sont des matériaux dont les dimensions sont à l’échelle nanométrique, c’est-à-dire un milliardième de mètre. Pour vous donner une idée,
- Une molécule d’eau mesure environ 1,5 nanomètres (nm).
- Une bactérie mesure environ 1 000 nm de long.
- Un cheveu mesure environ 100 000 nm de diamètre.
Les nanomatériaux ont commencé à susciter un grand intérêt dans les années 1980, mais leur histoire remonte bien plus loin. Le concept de manipulation à l’échelle nanométrique a été évoqué pour la première fois en 1959 par le physicien Richard Feynman, lors de sa célèbre conférence « There’s Plenty of Room at the Bottom ». Il y envisageait la possibilité de manipuler les atomes individuellement.
Les premiers développements concrets des nanomatériaux ont eu lieu dans les années 1970 et 1980 avec la découverte des fullerènes (une forme de carbone à l’échelle nanométrique) par Harold Kroto, Robert Curl et Richard Smalley en 1985, ce qui leur a valu le prix Nobel de chimie en 1996. La mise au point des nanotubes de carbone au début des années 1990 par Sumio Iijima a également marqué une avancée majeure dans le domaine.
Depuis, les nanomatériaux ont été largement étudiés pour leurs propriétés uniques, ouvrant la voie à des applications innovantes dans des domaines aussi variés que la médecine, l’électronique, l’énergie, les textiles ou encore les cosmétiques. Leur grande surface spécifique et leur réactivité chimique accrue les rend particulièrement intéressants aussi pour les applications environnementales, notamment pour la dépollution de l’eau.
Pourquoi utiliser des nanomatériaux contre les PFAS?
Les nanomatériaux peuvent en effet interagir avec les PFAS dans l’eau de différentes manières, en fonction de leur composition et de leur structure. Les principales approches étudiées incluent :
- Adsorption : Certains nanomatériaux, tels que les nanotubes de carbone et les graphènes modifiés, peuvent « adsorber » les PFAS en raison de leur grande surface spécifique. L’adsorption signifie que les molécules de PFAS s’attachent à la surface du nanomatériau, permettant ainsi leur élimination de l’eau.
- Dégradation catalytique : certaines nanoparticules peuvent aider à briser les chaînes de carbone-fluor des PFAS, déclenchant ainsi la dégradation des PFAS en sous-produits moins persistants et/ou moins nocifs.
- Filtration avancée : la taille des nanomatériaux permettent d’envisager de créer des membranes dont les pores seraient si petits qu’ils permettraient de filtrer tous les contaminants de l’eau.
Des études en cours prometteuses
Plusieurs études récentes montrent des résultats prometteurs concernant l’utilisation des nanomatériaux pour éliminer les PFAS de l’eau. Voici quelques-unes des recherches les plus notables :
- Adsorption:
- Une étude menée par l’Université de l’état de New York a démontré que des Nanoparticules de fer zéro-valent (nZVI) peuvent réduire efficacement les concentrations de PFAS dans l’eau. Les nZVI agissent en dégradant les PFAS par des réactions d’oxydoréduction, transformant ces composés en produits moins toxiques. Leurs expériences rapportent notamment une réduction de 85% des PFOS après seulement 10 minutes d’exposition à des nanoparticules de fer zéro-valent!
- Une équipe de l’Université d’El Paso, au Texas, a quant à elle étudié l’utilisation de nanotubes de carbone modifiés pour l’adsorption des PFAS. Les résultats préliminaires indiquent une adsorption rapide et efficace des PFAS, même à faibles concentrations: des nanotubes de carbone ont réussi à supprimer 100% des PFOA contenus dans l’échantillon d’eau en seulement 3,5 heures. Les nanotubes peuvent ensuite être régénérés et réutilisés, ce qui en fait une option potentiellement durable pour le traitement de l’eau.
- Dégradation:
- Des chercheurs sud-coréens ont récemment exploré l’utilisation de nanoparticules de MMO-TiO2 pour catalyser la dégradation des PFAS sous lumière UV. Cette méthode, connue sous le nom de photodégradation, pourrait offrir une solution pour les sites contaminés exposés à la lumière du soleil. Leurs premiers résultats promettent une élimination de plus de 95% des PFOA soumis à ce traitement.
- Membranes nanostructurées :
- Les membranes à base de nanofibres sont déjà sur le marché depuis quelques années. Certains filtres équipés de ces membranes ont la capacité de filtrer jusqu’à 99 % des PFAS présents dans l’eau. Ces membranes sont conçues pour être durables et résistantes au colmatage, un problème courant dans les technologies de filtration conventionnelles.
Défis et perspectives d’avenir
Bien que les résultats soient encourageants, plusieurs défis subsistent avant que ces technologies puissent être appliquées à grande échelle. L’un des principaux obstacles est le coût de production des nanomatériaux, qui reste élevé. De plus, la sécurité des nanomatériaux eux-mêmes doit être évaluée, car certaines nanoparticules peuvent présenter des risques pour la santé humaine et l’environnement si elles ne sont pas correctement gérées.
Malgré ces défis, la recherche sur les nanomatériaux pour l’élimination des PFAS se développe, avec de nombreuses initiatives visant à réduire les coûts et à améliorer l’efficacité des processus. À mesure que ces technologies progressent, elles pourraient offrir une solution viable pour traiter les eaux contaminées par les PFAS, protégeant ainsi les écosystèmes et la santé publique.
Si vous souhaitez rester informé sur ce sujet crucial, assurez-vous de consulter régulièrement notre blog infopfas.com et de suivre nos mises à jour sur les réseaux sociaux!
Sources :
- There’s Plenty of Room at the Bottom, Wikipedia
- Richard E. Smalley, Robert F. Curl, and Harold W. Kroto, Science History Institute
- The Discovery and Future of Carbon Nanotubes Sumio Iijima, NEC
- Redox-active rGO-nZVI nanohybrid-catalyzed chain shortening of perfluorooctanoic acid (PFOA) and perfluorooctane sulfonic acid (PFOS), Science Direct
- Enhanced adsorption of PFOA with nano MgAl2O4@CNTs: influence of pH and dosage, and environmental conditions, Science Direct
- Enhanced removal of perfluoroalkyl substances using MMO-TiO2 visible light photocatalyst, Science Direct
- Efficient removal of per- and polyfluoroalkyl substances (PFASs) in drinking water treatment: nanofiltration combined with active carbon or anion exchange, Royal Society of Chemistry
*Image par Starline et DC Studio, sur Freepik