Les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) sont devenues des composants essentiels dans les mousses anti-incendie, principalement en raison de leur capacité unique à repousser l’eau et à résister à la chaleur. Ces caractéristiques sont cruciales pour éteindre les incendies de classe B (appelés aussi « feux gras »), qui impliquent des liquides inflammables comme le pétrole, le kérosène, et autres hydrocarbures. Mais comment en sommes-nous arrivés à cette utilisation répandue des PFAS dans les mousses anti-incendie, et quels en sont les effets secondaires sur la santé humaine et l’environnement?
Une origine militaire
Les PFAS ont été introduits dans les mousses anti-incendie dans les années 1960, lorsque les militaires et les industries cherchaient des solutions plus efficaces pour combattre les incendies de grande ampleur. À l’époque, les incendies de réservoirs de carburant sur les pétroliers, dans les aéroports et sur les sites militaires représentaient un défi majeur. Les mousses classiques ne suffisaient pas à étouffer ces feux rapidement, ce qui a conduit à des pertes matérielles et humaines significatives.
C’est alors que les PFAS ont été intégrés dans les formulations de mousses aqueuses filmogènes (AFFF), qui se sont révélées être une avancée majeure. Les PFAS permettaient à la mousse de créer un film flottant sur la surface des liquides en feu, coupant efficacement l’alimentation en oxygène et éteignant l’incendie plus rapidement. Cette technologie a été rapidement adoptée par les militaires, les aéroports, les raffineries de pétrole, et d’autres industries à haut risque. À ce jour, l’armée serait toujours le plus grand utilisateur de mousses anti-incendie aux Etats-Unis, représentant environ 75 % du marché des AFFF, le reste étant constitué des services d’incendie municipaux et des usines et raffineries de traitement du pétrole.
Efficacité accrue, mais pollution maximale…
Malgré leur efficacité indéniable, l’utilisation des mousses AFFF a des conséquences environnementales importantes. Lors des exercices d’entraînement ou des interventions d’urgence, les mousses contenant des PFAS sont souvent déversées en grandes quantités sur le sol. Les composés chimiques ne se dégradant pas facilement, ils s’infiltrent dans le sol, contaminant ainsi les terrains ainsi que les eaux souterraines et de surface. Les sites d’entraînement des pompiers, les aéroports et les bases militaires sont donc particulièrement touchés, avec des concentrations élevées de PFAS systématiquement détectées dans les eaux environnantes. Un reportage récent de la chaîne de télévision ARTE évoque ainsi la contamination massive des terrains de l’aéroport Schipol d’Amsterdam avec plus de 200’000 tonnes de terre polluées par les PFAS, suite aux entraînements de lutte anti-incendie opérés sur le tarmac…
Les pompiers en première ligne
Les soldats du feu sont clairement les professionnels les plus exposés à ces substances, par le biais des contacts répétés avec ces mousses AFFF, mais aussi à cause des PFAS contenus dans leurs tenues ignifugées. Or les PFAS sont désormais connus pour être des perturbateurs endocriniens, et leur accumulation dans le corps peut conduire à divers problèmes de santé, notamment des cancers, des maladies thyroïdiennes, et des dysfonctionnements rénaux.
L’inquiétude des pompiers s’est donc naturellement intensifiée ces dernières années, avec de nombreux rapports faisant état de taux élevés de maladies graves au sein de leur profession. Une recherche américaine menée en 2020 a ainsi établi un lien entre exposition aux PFAS et apparition de quatre des huit principaux cancers rencontrés plus fréquemment chez les pompiers, notamment le cancer des testicules, le lymphome non hodgkinien et le cancer de la prostate.
Des pompiers de différents pays, notamment aux États-Unis, en Australie et au Royaume-Uni, ont commencé à déposer plaintes contre les fabricants de mousses AFFF, accusant ces entreprises d’avoir caché les risques liés aux PFAS pendant des décennies. En France, si les actions de groupe peinent à émerger, la polémique enfle; des manifestations éclatent, avec notamment plus de 3000 manifestants dans les rues de Paris en mai 2024 pour défendre les intérêts des pompiers exposés.
Un espoir mince à court terme
Si les PFAS ont été une innovation cruciale pour la lutte contre les incendies, les conséquences à long terme de leur utilisation massive sont donc de plus en plus difficiles à ignorer. La contamination des sols et des eaux, ainsi que les effets sur la santé des pompiers, posent des défis majeurs pour les autorités de santé publique et l’industrie. Des alternatives plus sûres aux PFAS dans les mousses anti-incendie sont aujourd’hui à l’étude, mais en attendant, le débat sur l’utilisation de ces substances est loin d’être clos.
Vous voulez en savoir plus au sujet des PFAS? Visitez notre blog infopfas.com et suivez notre page Facebook pour entendre les dernières informations sur les polluants éternels!
Sources:
- AFFF Firefighting Foam: History, Usage, and Ever-Present Public Health Risks, Keefe Law Firm
- Conn. firefighters sue 3M, DuPont over PFAS in firefighting gear, FireRescue1
- Federal government settles $132.7m PFAS contamination case, The Australian
- Les pompiers manifestent et testent leur contamination aux PFAS, Le Monde
- PFAS : les pompiers sont « aux premières loges » dans la contamination aux « polluants éternels », Le Monde
- Pressing need for Regulation, Fire Brigade Union
*Image de Military_Material sur Pixabay